L"immortelle bien-aimée

par L'Univers de Noan  -  25 Février 2023, 08:00  -  #Biopic, #Cinéma, #Compositeur, #Musicien

L"immortelle bien-aimée

Je ne pouvais pas conclure cette séquence de cinq articles sur la vie de Ludwig Van Beethoven, sans vous parler d’un film sur ce compositeur de génie. En effet, dix ans après la sortie du brillantissime « Amadeus » de Milos Forman, qui nous livre le destin de Mozart et de sa prétendue rivalité avec Antonio Salieri, Le réalisateur, Bernard Rose, nous livre à son tour un biopic sur Beethoven tout aussi éblouissant, dans son film « Immortal Beloved », traduit en français sous le titre de « Ludwig Van B. ou la lettre à l'immortelle bien-aimée ».

 

Nous sommes en 1827, Beethoven est mort. Le film débute par un deuil national et un cortège funèbre qui réunira plus de trente mille personnes. Le réalisateur nous emmène à l’église de la Sainte-Trinité de Vienne où, lors de la messe rendue en l’hommage du compositeur, on entonne « La Missa Solemnis » en ut majeur. À ce moment, du film, nous sont présentés les principaux protagonistes en plan serrés : Anton Felix Schindler (Jeroen Krabbé), Johana Beethoven, belle-sœur du compositeur, (Johanna ter Steege), la comtesse Guicciardi (Valeria Golino) et la comtesse Anna-Maria Erdödy (Isabella Rossellini). Ces quatre personnages ont réellement existé et ont fait partie de la vie du compositeur à l’exemple de la comtesse Anna-Maria Erdödy, l'une des grandes supportrices de Beethoven dès les premières années du XIXème siècle. Elle était souvent en sa compagnie et ils devinrent amis et confidents.

1 : Valeria Golino - 2 : Isabella Rossellini - 3 : Johanna ter Steege

1 : Valeria Golino - 2 : Isabella Rossellini - 3 : Johanna ter Steege

Donc, Beethoven est mort. Son assistant et fidèle ami proche, Anton Schindler, s'occupe de ses dernières volontés et de son testament. Il y est écrit que sa succession, sa musique et ses affaires personnelles ainsi que son argent seront légués à son « immortelle bien-aimée ». Mais alors qui est cette mystérieuse femme ? Peut-être est-ce la comtesse Guicciardi qui, après avoir été la maîtresse du brillant créateur, accorda sa main, mais non son cœur, au médiocre compositeur et pianiste le comte Wenzel Robert von Gallenberg ? Peut-être s'agit-il de la comtesse hongroise Anna-Maria Erdödy, musicienne capricieuse et confidente dévouée de Beethoven ? Où s’agit-il de Johana (Reiss) Beethoven la femme de son défunt frère Kaspar ?

 

Alors certes, la renommée changeante de Beethoven ne permet jamais un instant d'oublier à quel point il a été une figure importante et controversée de son vivant. En aucun cas il est présenté tel un saint, mais plutôt comme un pécheur ardent, qui a aimé et aussi souffert. Une telle personne, plus que quiconque, méritait l'accomplissement de sa dernière volonté.

 

Aussi, Anton Schindler, pour accéder à celle-ci, se lance dans une enquête pour découvrir et rencontrer les femmes dont il savait qu'elles avaient joué un rôle important dans la vie sentimentale du compositeur. Un voyage à la recherche de la mystérieuse étrangère qui s'arrête parfois pour écouter l’histoire de ces trois femmes et le souvenir qu’elles gardent du défunt, ce qui semble redonner une lueur d'espoir à l’exécuteur testamentaire. Le but du réalisateur, nous faire découvrir quelles sont ces femmes, leurs rapports à Beethoven et qui nous révèle les secrets les plus intimes de ce dernier en parsemant, çà et là, des indices tout au long du film, le mystère ne se dévoilant, aux yeux du spectateur, qu’à la toute fin du film.

 Anton Felix Schindler interprété par Jeroen Krabbé

Anton Felix Schindler interprété par Jeroen Krabbé

L’un des points culminants du film sera la première de la neuvième symphonie : elle apportera à l'auteur la révérence populaire et le pardon de ses péchés par la personne qui est la plus chère à son cœur, la mystérieuse « bien-aimée ». Sous le nom symbolique d'Ode à la joie, un incident de son enfance survolera alors l'esprit de Beethoven - loin d'être sans nuages - lui enlevant la possibilité d'entendre les autres et qui a, néanmoins, ouvert devant lui une voie pour parler avec toute l'humanité. Passages énergiques du final dans la salle et dans l'imagination d'un vieil homme aux cheveux gris, un petit garçon fuit rapidement les brimades de son père, le long d'un chemin argenté, à travers une forêt nocturne, jusqu'à un lac. (Clin d'œil psychanalytique des traumatismes d'enfance subis par Ludwig de la part d’un père sadique et alcoolique ne qui ne sont pas restés sans conséquence.)

 

La chemise est jetée et l’enfant allongé sur le dos, les bras tendus librement vers le ciel, s'abandonne au silence de la surface du lac, dans laquelle se reflètent les corps célestes, et plein de rêves secrets, derrière la naissance de nouveaux mondes musicaux. Le lac s'éloigne progressivement, absorbé par le ciel, qui fait partie de l'univers et Beethoven lui-même devient l'une de ses étoiles les plus brillantes. Cette scène non seulement prouve clairement le concept créatif du compositeur, basé sur les positions binaires du mouvement « de l'obscurité à la lumière » et « de la souffrance à la joie », et perpétue également sur le film la beauté instable du moment, soumise à la caméra du réalisateur.

Ludwig van Beethoven (Gary Oldman) lors de la première de la symphonie N°9

Ludwig van Beethoven (Gary Oldman) lors de la première de la symphonie N°9

Après « la vie de Beethoven » de Hans Otto Lowensteïn, réalisé en 1927, « un grand amour de Beethoven » d’Abel Gance de 1936, « Beethoven – Tage Aus Einem Leben », de Horst Seemann sorti en 1976 ou encore « The Magnificent Rebel » téléfilm réalisé par Georg Tressler la même année, Bernard Rose nous donne à voir, un film biographique qui nous raconte non seulement la vie personnelle de Beethoven, mais aussi son enfance, sa créativité, ses relations avec ses contemporains et sa famille. Il semble répondre à de nombreuses questions qui n'ont même jamais été exprimées et le biopic de Bernard Rose vise à nous faire comprendre l'âme du compositeur, mais surtout la compréhension de ce dernier précisément en tant que personnalité avec toutes ses nuances. En ce sens, l'idée du film est pleinement incarnée.

 

La principale réalisation de Bernard Rose est la représentation du caractère multiforme et multicouche de Beethoven. Le réalisateur a réussi à transmettre toute la tragédie de la situation dans laquelle un génie est trop intolérant envers les autres simplement parce que ce sont des gens ordinaires incapables de jouer du piano de manière magistrale, de penser de manière magistrale et de vivre de manière magistrale.

 

Le film est très lumineux, certaines scènes sont tout simplement des chefs-d’œuvre. De plus, c’est une histoire sur le prix qu'un génie qui, d'une manière ou d'une autre, paie le prix de son talent ; un film sur le sacrifice que ses proches sont dans l’obligation de faire. Probablement, parce que le bonheur d'une personne douée est tout simplement inaccessible en raison du fait d’un trop-plein d'émotions. Une telle vie donne simultanément une impulsion à la créativité (au sens large du terme) et détruit lentement mais sûrement le compositeur.

1 : Christopher Fulford (Kaspar Van Beethoven) - 2 : Gerard Horan (Yohan Van Beethoven)1 : Christopher Fulford (Kaspar Van Beethoven) - 2 : Gerard Horan (Yohan Van Beethoven)

1 : Christopher Fulford (Kaspar Van Beethoven) - 2 : Gerard Horan (Yohan Van Beethoven)

L’utilisation d'une technique artistique telle que le « flashback » profite définitivement à l'image. De plus, racontant tout au long du film certains événements de la vie de Beethoven, le réalisateur révèle pleinement la nature du maestro. Le spectateur commence à sympathiser avec le héros, se rapprochant ainsi du grand génie et la manière rétrospective choisie, déterminera la forme de composition du film, similaire à la forme musicale classique ou sur fonds de souvenirs des héros, emmenant à chaque fois le public dans le passé.

 

Le film, tourné en 35 mm, donne à la fois, à chaque image une douceur naturelle et une couleur agréable à l'œil du spectateur. Les acteurs sont naturels dans leur jeu, comme s'ils étaient de vrais personnages de l'époque de la fin du 18ème - début du 19ème siècle, déplacés à notre époque pour rappeler aux contemporains leur existence passée.

 

Initialement, Anthony Hopkins était prévu pour le rôle de Beethoven, mais les producteurs, ont opté pour Gary Oldman, qui lui-même, soit dit en passant, joue réellement à l’écran, car le piano est, dit-on, un de ces passe-temps favoris. Bernard Rose nous démontre son professionnalisme, grâce à l'excellent travail d'acteur, pas seulement celui de Gary Oldman mais aussi de tous ses partenaires : Jeroen Krabbé, Valeria Golino, Isabella Rossellini et Johanna ter Steege, sans oublier Christopher Fulford, Gérard Horan dans les rôles des frères de Beethoven et Marco Hofschneider dans le rôle de Karl Van Beethoven, le neveu du compositeur.

1 et 3 : Marco Hofschneider -  2 : Christopher Fulford & Johana ter Steege1 et 3 : Marco Hofschneider -  2 : Christopher Fulford & Johana ter Steege1 et 3 : Marco Hofschneider -  2 : Christopher Fulford & Johana ter Steege

1 et 3 : Marco Hofschneider - 2 : Christopher Fulford & Johana ter Steege

Comme beaucoup, j’ai regardé « L'élève de Beethoven » d'Agnieszka Holland en 2006, où Ed Harris et Diane Kruger font d’excellentes interprétations. Mais ce qui était beau Agnieszka Holland devient un pur chef-d'œuvre chez Bernard Rose. Quelle passion dans les yeux de Gary Oldman. Passion à la fois pour les femmes, pour la musique, pour la vie. Il est sensuel et ses émotions sont tangibles. En outre, la musique de Beethoven, très présente, résonne dans le film et crée une atmosphère tout simplement indescriptible ! Elle prend vie sous les doigts sensibles de Gary Oldman, qui lui-même joue magistralement, notamment le premier mouvement de la sonate « au clair de lune ». Il devient un vrai Beethoven, qui a traversé toute sa vie difficile, une vie faite de chagrin mais aussi de joie. Le maquillage transforme le visage de Gary Oldman à un tel point que l’on croirait voir Beethoven en personne.

Ludwjg Van Beethoven (Gary Oldman) à trois époques de sa vieLudwjg Van Beethoven (Gary Oldman) à trois époques de sa vieLudwjg Van Beethoven (Gary Oldman) à trois époques de sa vie

Ludwjg Van Beethoven (Gary Oldman) à trois époques de sa vie

Gary Oldman est connu pour de nombreux films. Mais je ne pouvais pas l'imaginer en Ludwig van Beethoven. N'ayant aucune ressemblance extérieure avec le compositeur, il incarne à la fois le tempérament débridé et le caractère lourd qui sont inhérents au musicien allemand et à l'acteur britannique dans une égale mesure. Chaque impulsion, chaque attaque d'agressivité sont jouées pour appréhender des expériences réelles et présenter Beethoven comme une personne simple capable d'exister indépendamment de sa musique.

 

La réalisation d'une idée aussi subtile et intéressante, présentée dans des tons et des images pénètre en un mot l'âme du spectateur, y laissant une marque indélébile. C'est la meilleure performance de Gary Oldman. Indubitablement. Ce dernier a réussi à interpréter ce personnage de telle manière qu'il est difficile, aujourd’hui, d’imaginer un autre acteur pour ce rôle.

 

Les costumes et les accessoires sont superbement choisis. Ils plongent complètement le spectateur dans l'atmosphère de cette époque. Le travail des maquilleurs est remarquable, grâce auquel un acteur a joué Beethoven à la fois âgé de trente à cinquante-six ans. Il faut dire aussi que la musique elle-même produit le plus grand effet, bien sûr. Les œuvres du compositeur allemand accompagnent tout le film et en font partie intégrante. Elles semblent être là où elles sont destinés à être, et donc à un moment inspirant, elles sont capables de réjouir le spectateur pour le héros, et à un moment tragique, ils se figent d'excitation ou ressentent par eux-mêmes toute l'insupportabilité de certaines difficultés de la vie que traverse le personnage.

 

En conclusion, après Amadeus, c'est le seul film réalisé sur un brillant compositeur, où le processus de création est montré presque de façon anatomique, comme une auto-torture, dont la clé est la solitude profonde et le rêve inassouvi d'une femme. Replié sur soi, un homme qui n'est pas destiné à entendre ses créations, là où un simple auditeur n'a qu'à s'interroger et à deviner ce qui se passe dans l'âme du compositeur à la fois obstiné et chaotique et dont la couronne sera ses œuvres immortelles offertes à l'humanité.

 

 

Noan Benito Vega
Prochain : 
Concerto pour piano et orchestre N°2

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Ludwig Van B ou Immortal Beloved
Américano-canadien - Biopic - 1994
Un film de Bernard Rose
Avec Gary Oldman, Jeroen Krabbé, Isabella Rossellini, Johanna ter Steege, Valeria Golino

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